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lundi 28 décembre 2015

Bilan économique russe 2015: le prix incontournable de l'émancipation politique



Les chiffres fournis par le ministère russe de l'économie pour l'année 2015 sont loin d'être très bons. Mais il est important de les replacer dans le contexte, à savoir celui d'une pression internationale très forte visant justement à faire tomber l'économie russe afin de conduire à un changement de politique, voire de gouvernement. Par ailleurs, certains secteurs ont réussis à se développer malgré tout, comme l'agriculture, démontrant ainsi l'effectivité des programmes étatiques d'aide au développement de la production intérieure. Et sur la scène internationale, les Etats Unis ont reconnu que leur tentative d'isolement de la Russie a échoué. Reste à la Russie de garantir sa souveraineté financière.


Les marqueurs macroéconomiques au mois de novembre 2015

Le PIB a chuté de 4,1%.
L'inflation est en hausse de 13,2%.
Le taux de chômage est de 10,7%.
La masse monétaire a augmenté de 8,6%.
Le taux de la Banque centrale est de 11%.
Le taux de refinancement est de 8,25%.
Le volume de monnaie liquide a baissé de 1,7%.
Le volume de réserve internationale a baissé de 7,5%.
Le volume de production global a baissé de 3,5%.
Le commerce extérieur de la Russie a baissé de 35,1%.
Le volume d'importation a baissé de 36%.
Le volume d'exportation a baissé de 34,4%.
La balance commerciale est en déficit de 31,6%.
Le salaire moyen nominal a augmenté de 4,6%, même si le pouvoir d'achat réel a baissé de 5,4%.

Selon les données du ministère de l'économie:
La production agricole a augmenté de 2,9%.
Le transport ferrovière a augmenté de 0,1%, quand les transports ont baissé globalement de 0,1%.
La chute du commerce extérieur s'explique en grande partie par la chute du commerce avec les Etats Unis: -32% d'exportation et -38,2% importation.

Chiffres du budget 2015 (au mois de novembre)

Ressources (en milliards de roubles):
totales: 12 174,5 
dont pétrole et gaz: 5411
non liées au gaz et au pérole: 6763,5

Dépenses (en milliars de roubles):
totales: 13 071,1
politique sociale: 3779,2
défense, armée: 2638,9
économie nationale: 1730,2
Sécurité (police, organes d'enquête ...): 1668,3
enseignement: 558,4
médecine: 430,8

Donc contrairement aux idées reçues, le budget de l'armée ne dépasse pas le social, qui reste justement une priorité en cette période incertaine. Le financement de l'économie est important, car il comprend également l'aide au développement de la production nationale. Mais la dépendance du budget aux ressources du pétrole et du gaz reste beaucoup trop forte et l'on a vu la chute vertigineuse du rouble, qui maintenant se stabilise, mais a fait chuter le pouvoir d'achat. Et là ce n'est pas une idée reçue. Le point positif est que cette dévaluation, rendue possible dès que la Banque centrale n'a plus soutenu le cours de la monnaie nationale, est de rendre la production russe attractive à l'exportation. Pour autant, le FMI et la Banque mondiale ont déclaré que la Russie a dépassé les problèmes les plus importants et qu'une crise fondamentale de son économie n'est pas à attendre, des signaux positifs étant attendus. Sa note a été remonté par les agences de notation.

Les explications concernant les difficultés de l'économie russe sont doubles: le prix de sa politique extérieure doublé de celui de sa politique intérieure.

Pour commencer avec sa politique intérieure, la dépendance de l'économie en générale et du budget en particulier au prix du baril de pétrole est la conséquence directe de la facilité procurée ces dernières années par un prix élevé. Le pétrole constituant la pricipale ressource du budget, il permettait de couvrir toutes les dépenses, sans avoir à relancer la production intérieure. Cette absence de besoin se doublait du fait que la Russie pouvait facilement acheter ce qui lui manquait sur les marchés extérieurs, jouant en cela le jeu de la mondialisation qu'elle croyait acquis, définitif. Elle se posait comme un des acteurs de ce système des consommateurs mondiaux, ce que son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce était censée avoir proclamée.

Mais le réveil de sa politique extérieure a fait tomber le mythe de l'indépendance de l'économie du politique. Et elle assume sans broncher cette erreur stratégique. Car la participation au marché mondial n'aurait pas dû empêcher de relancer le marché intérieur. La question se pose alors de savoir ce qui pose le plus de difficulté à l'économie russe des sanctions ou du cours du baril de pétrole?

Les sanctions commerciales n'ont pas tant que ça, pour les experts, réellement touchées l'économie russe. Elles ont, d'une part, provoqué la mise en route des programmes étatiques de soutien à la production intérieure, une réelle réflexion sur la limitation des barrières administratives à l'activité commerciale et au développement d'une profonde politique territoriale, ce dont le pays avait grandement besoin. Par ailleurs, le rapprochement de la Russie et de la Chine permet non seulement de compenser, mais également de réorienter les intérêts commerciaux nationaux vers des marchés qui, à la différence des marchés américains et européens, ne sont pas saturés. Ainsi, depuis 2010, la Chine est le premier partenaire commerciale de la Russie et les nouveaux contrats conclus annoncent un beau développement en 2016. Dans le même ordre d'idées, la Russie développe ses relations commerciales avec d'autres pays, comme l'Inde ou les pays d'Amérique du Sud et du Moyen Orient. Il faut certes du temps pour compenser totalement la perte brutale, mais il est certain que les pertes pour les entreprises européennes sont également importantes: elles ne retrouveront pas leur place sur le marché russe, la confiance est rompue.

Par ailleurs, la fermeture de marchés extérieurs a obligé les acteurs économiques à se réotienter vers le marché national, stimulant ainsi l'économie de l'intérieur. Il faudra attendre un peu pour voir un réel impact sur les chiffres, mais la dynamique est lancée.

Le point sur lequel les sanctions ont réellement fait du mal est celui concernant l'interdiction de refinancement sur les marchés américains et européens. Car pour l'instant, si la Russie s'est retournée vers les marchés asiatiques, ils ne permettent pas encore de totalement compenser les difficultés artificiellement provoquées à la finance russe. Ce qui étouffe la relance de l'économie.

Dans la mesure où presque la moitié des ressources budgétaires est constituée par les revenus du pétrole, la chute du cours du baril de presque 100 $ à 30/40 $ a très fortement impacté l'économie russe. A ce sujet, comme le budget 2016 est prévu avec un baril à 50 $, il faudra s'attendre à des correctifs en cours d'année.

En conclusion, il est évident que l'économie russe paie le prix de sa décision de revenir sur la scène géopolitique, c'est-à-dire d'être un non-aligné. A ce sujet deux remarques:

  1. Il est utopique d'affirmer que la Crimée est à l'origine des sanctions en particulier, et de la guerre économique en générale menée contre la Russie. La Crimée est la conséquence du problème, non la source. C'est parce que la Russie a décidé de s'émanciper qu'elle a accepté le choix des habitants de Crimée et en a tiré toutes les conséquences juridiques, sachant pertinemment que la réaction serait violente. Car la déclaration d'indépendance qu'il faut alors sanctionner, celle qui est extrêmement dangereuse pour l'ordre mondial, n'est pas celle de la Crimée, mais celle de la Russie.
  2. Les années 90 ont montré que la totale soumission de la Russie aux standards néolibéraux de la communauté internationale ne conduisait pas à la restauration de l'Etat. Les peuples et les gouvernements ne vivent pas de promesses, de réformes de la justice et de petits pains. La Russie en a tiré les leçons, l'Ukraine est en train d'apprendre la sienne.
Mais la véritable difficulté pour la Russie est de se donner les moyens économiques de son indépendance politique, sinon ça tournera court. Même si la population, à quelques exceptions près, n'est pas prête à se vendre pour un camembert, n'acceptera pas le retour des déficits au quotidien et de la sensation de manque. Or, tant que le budget ne peut diversifier ses sources de revenus, la situation est instable. Et c'est justement pourquoi l'on voit aujourd'hui le retour du combat entre les néolibéraux (le cerveau Koudrine, la Sberbank Gref, les soutiens dans les grandes corporations étatiques et dans la société civile et les médias, voire au gouvernement) et les libéraux-conservateurs. L'expression choque? Pourtant, le libéralisme est devenu conservateur, c'est le signe de l'époque.

Autrement dit, l'enjeu pour la Russie en 2016 est de se donner les moyens de sa géopolitique. Quant à sa géopolitique de 2015, nous en traiterons demain.










2 commentaires:

  1. Comment expliquer ceci???
    http://fortruss.blogspot.fr/2015/12/putin-and-medvedev-in-talks-with-alexei.html

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